14. Februar 2024

MEGA Newsletter – Février, No. 11 – Christine ROGER

Comment aborder les enjeux liés à la question des restitutions d’œuvres d’art à l’Afrique et plus largement à l’attitude de la France et de l’Allemagne face à leur passé colonial ? Christine Roger, qui a travaillé lors de son stage MEGA (11ème promotion) au sein de l’équipe « Aufarbeitung des Kolonialismus » du BKM (« Die Beauftrage der Bundesregierung für Kultur und Medien »), présente deux initiatives récentes dans ce domaine : une soirée thématique organisée par l’Académie franco-allemande de Paris et le lancement du « Fonds franco-allemand de recherche sur la provenance des biens culturels issus d’Afrique subsaharienne » au Centre Marc-Bloch à Berlin.

Les collections et musées publics en Europe abritent des centaines de milliers d’objets et de sources archivistiques (sonores, photographiques, cinématographiques…) issus de contextes coloniaux. Les débats internationaux sur la question de leur restitution aux communautés et une prise de conscience collective accrue de la persistance des continuités coloniales dans nos sociétés actuelles ont engendré un élargissement significatif du champ d’action des politiques mémorielles en France et en Allemagne. Les prises de position et les passages à l’action ont évolué et essaimé au cours des dernières années, au point de bousculer les agendas politiques des deux pays. Des verrous idéologiques ont sauté non sans engendrer résistances et crispations.

Cette lame de fond a ouvert la voie à des interrogations plus profondes que celles qui avaient été menées auparavant sur l’inscription des enjeux sociaux contemporains liés au racisme dans le temps long de l’histoire coloniale de l’Europe. Comment décentrer les regards, changer les discours et les positionnements sur les collections muséales ? Comment partager, faire circuler, restituer ce que l’on appelle, en usant de vocabulaires conceptuels sans cesse réévalués, des « objets », des « artéfacts », des « biens culturels », des « œuvres (d’art) » ? Comment contribuer – de manière très concrète – à effacer les lignes d’injustice Nord/Sud pour permettre à des communautés jadis enquêtées et spoliées, de se reconnecter à leur passé et de se mobiliser pour les générations futures ? Comment, surtout, apprendre à écouter ?

L’Académie franco-allemande de Paris, fondée en 2023 et placée sous le patronage de M. l’Ambassadeur d’Allemagne en France, invitait à réfléchir à ces questions à l’occasion du dialogue franco-allemand sur les « Restitutions d’œuvres d’art à l’Afrique : la France et l’Allemagne face à leur passé colonial » qu’elle a organisé le 31 janvier 2024 à l’ambassade d’Allemagne en présence de Marie-Cécile Zinsou (Présidente et directrice artistique de la Fondation Zinsou dédiée à l’art contemporain et créée en 2005 à Cotonou), Bénédicte Savoy (Professeure d’histoire de l’art à la Technische Universität Berlin) et Andreas Görgen (Secrétaire général du BKM – Beauftragte der Bundesregierung für Kultur und Medien et conseiller culture du Chancelier fédéral Olaf Scholz).

Quelques jours auparavant, au Centre franco-allemand de recherche en sciences sociales Marc-Bloch à Berlin, avait eu lieu le lancement du « Fonds franco-allemand de recherche sur la provenance des biens culturels issus d’Afrique subsaharienne ». Ce nouvel instrument de diplomatie culturelle, décidé par l’ancienne ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, et son homologue allemande Claudia Roth à l’occasion des célébrations du 60e anniversaire de la signature du Traité de l’Élysée, a vocation à s’élargir à d’autres acteurs en Europe après une phase expérimentale de trois ans. Abondé à part égale par les gouvernements français et allemand à raison de 360 000 euros par an, le fonds doit favoriser la co-construction des savoirs et le partage des connaissances par des consortiums réunissant des acteurs venant de France, d’Allemagne et de pays d’Afrique subsaharienne, ainsi que les échanges artistiques. Il vise à reconstituer la manière dont les objets africains ont circulé dans l’espace et dans le temps jusque dans les vitrines et les dépôts des musées européens.

Pour l’Allemagne comme pour la France, l’initiative s’inscrit dans une stratégie politique plus large de renouvellement des partenariats culturels avec l’Afrique au sud du Sahara.

 

Informations sur le Fonds franco-allemand de recherche sur la provenance des biens culturels issus d’Afrique subsaharienne : https://cmb.hu-berlin.de/fr/la-recherche/translate-to-francais-fonds-de-provenance